Critique du stoïcisme

10 mars, 2006

La critique du stoïcisme

1 – Introduction.



La période hellénistique[i] (323 à 31 av. J.-C.) de la philosophie antique a principalement été marquée par l’émergence des trois philosophies suivantes : le scepticisme, l’épicurisme et le stoïcisme. À titre informatif, il est intéressant de noter que ces dernières ont une particularité en commun : celle d’être les premières philosophie à établir leur pensée respective en système, c'est-à-dire en intégrant des liens nécessaires entre leurs différents champs d’études. Par exemple, dans le cas de la philosophie stoïcienne, les principaux champs d’études ayant un lien nécessaire entre eux sont la logique, la physique et l’éthique. Pour notre part, dans ce travail, nous nous attarderons sur la physique stoïcienne et plus précisément, sur la théologie qui en découle, dans le but de la soumettre à différentes critiques. Pour ce faire, le travail sera présenté en trois principales parties. La première partie est une présentation du stoïcisme en général où il sera plus précisément question de sa physique et de sa théologie. La deuxième partie sera consacrée à la critique épicurienne de cette théologie stoïcienne. Finalement, la troisième partie sera aussi une critique de la théologie stoïcienne, mais cette fois de la part d’un sceptique, Carnéade (IIe siècle av. J.-C.), quatrième chef de la Nouvelle Académie. Après avoir développé ces trois principales parties, nous récapitulerons les principaux éléments entourant ce débat théologique et nous conclurons brièvement en ouvrant sur d’autres aspects possibles de la discussion concernant la philosophie hellénistique.



2 – Le stoïcisme.



La philosophie stoïcienne est la plus tardive des trois principales doctrines philosophiques de la période hellénistique. Néanmoins, elle est la plus importante quant à son rayonnement et à sa durée. Philosophie rationaliste, la philosophie stoïcienne a été fondée par Zénon de Kition (334-262 av. J.-C.). Ce dernier, ayant été l’élève de plusieurs maîtres d’origines philosophiques, tels le cynisme et l’école mégarique, sa philosophie est évidemment influencée par différentes doctrines. À ce titre, le stoïcisme se rattache même à une philosophie aussi ancienne que celle d’Héraclite (500-480 av. J.-C.), notamment en ce qui concerne la doctrine du logos universelle.



En ce qui concerne les sources qui nous permettent aujourd’hui de connaître cette doctrine (comportant tout de même des nuances notables), il ne reste que quelques fragments des premiers stoïciens, tels ceux du fondateur, Zénon de Kition et ceux de Cléanthe (330-232) son successeur immédiat. Par ailleurs, nous possédons d’autres sources provenant de stoïciens ultérieurs tels que Sénèque (1-65 apr. J.-C.), Épictète (55-135 apr. J.-C.) et Marc-Aurèle (161-180 apr. J.-C.). De plus, comme nous allons le constater à plusieurs occasions au cours de ce travail, la pensée des stoïciens nous a également été transmise à travers certains textes de leurs adversaires comme Plutarque (Ie-IIe apr. J.-C.) et Sextus Empiricus (IIe apr. J.-C.). Enfin, d’autres sources proviennent de commentateurs plus ou moins favorables à la philosophie stoïcienne, tels Cicéron (106-43 av. J.-C.), Diogène Laërce (IIIe apr. J.-C.) et Aulu-Gelle (IIe apr. J.-C.).



2.1 – La physique stoïcienne.



Selon Diogène Laërce[ii], les stoïciens divisent la physique en trois domaines généraux : le monde, les éléments et la recherche des causes. De plus, toujours selon lui, la physique stoïcienne se subdivise plus précisément selon deux ensembles : premièrement les corps, les principes, les éléments, les dieux et deuxièmement les limites, le lieu et le vide. Ainsi, comme nous pouvons constater dans cette dernière division, l’objet de la théologie stoïcienne fait partie de la physique. Cela semble peut-être curieux dans un premier temps, mais pour les stoïciens, les dieux « sont des corps, qui peuvent s’expliquer soit par référence aux éléments, soit, dans le cas de Zeus en référence au "principe" actif »[iii] de la causalité première. Pour les stoïciens, la physique est donc ce qui est à la base la compréhension de l’homme et de sa place dans le monde. Dans cette optique, il est alors possible de constater une part du lien nécessaire et systématique qu’il y a entre l’éthique et la physique stoïcienne : pour les stoïciens, l’homme doit se comporter en accord avec la nature.



2.1.1 – Le monde et la nature.



Le monde, pour les stoïciens, est caractérisé par la présence infrangible et immanente de la raison divine. Par conséquent, il possède la plénitude de la perfection, car la raison divine qui est parfaite y est omniprésente. Dans cette perspective, l’activité de la raison est donc corporelle et c’est pourquoi il n’y a rien qui existe en dehors des corps, c’est-à-dire en dehors de ce qui a la capacité d’agir ou de pâtir. Or, pour les stoïciens, la raison agit dans le monde, elle est donc aussi un corps. Ainsi, tout ce qui est sous l’influence de la raison est également un corps, c’est ce que les stoïciens appellent la matière. Il y a donc deux principes fondamentaux de la physique stoïcienne : premièrement, la cause unique qui est la raison et deuxièmement, la matière qui subit cette raison. Ce sont donc ces deux principes ou corps qui s’unissent pour constituer un mélange total et universel qui explique l’action d’un souffle matériel traversant la matière pour l’animer, c'est-à-dire lui donner vie.



2.1.2 – Le cycle cosmique



Pour les stoïciens, le monde possède un cycle cosmique, celui du Feu ou encore de la force active du Dieu artisan (Zeus). Lorsque le cycle cosmique se renouvelle, au moment de l’expurosis, le Feu absorbe et réduit en lui toutes choses : c’est la fin du monde. Après cela, le Feu restitue le monde, identique à ce qu’il était avant. Ainsi, le Dieu artisan contient en lui-même tous les principes séminaux nécessaires au renouvellement du monde. Le cycle cosmique est donc un embrasement (expurosis) où toute chose est purifiée par la substance divine et restituée en un monde conforme à la nature, c’est-à-dire en parfait accord avec la raison divine[iv]. De plus, il est à noter que c’est à partir de ce Feu originel qu’apparaissent les quatre éléments et qu’ainsi le monde naît sous l’action du souffle divin. Ensuite, ce souffle se fragmente et donne naissance aux êtres individuels qui constituent le monde en un système rationnel. C’est donc par ce souffle que le monde est uni, car celui-ci le parcourt et le maintient ensemble en créant une sympathie entre toutes ses parties. En somme, ce souffle est une force, une pensée, la raison universelle qui contient tout et à travers qui toute chose a été créée telle la terre, celle-ci étant pressée de tout côté par l'air qui la maintient en place, au centre du monde.



2.1.3 – La causalité et le destin.



Dans la perspective stoïcienne, tout ce qui arrive est conforme à la nature et étant donné que celle-ci est soumise à la raison universelle, alors toute chose arrive conformément à celle-ci. Or, comme nous l’avons vu précédemment, la raison divine est la cause totale de toute chose, elle lie donc entre elles toutes les causes et ainsi, l’agir des hommes est nécessairement lié à cet enchaînement de causes : c’est ce que les stoïciens appellent le destin. Cela veut dire qu’il n’arrive absolument rien de contingent dans la vie des hommes, car tout évènement dans le monde est voulu par Dieu, celui-ci étant la raison universelle.



2.2 – La théologie stoïcienne.



En ce qui a trait à la théologie stoïcienne, elle s’articule en trois sections et comme nous le verrons tout au long de cette analyse, elle est intimement liée à la conception cosmologique que nous avons vue précédemment. En effet, dans la première section, nous verrons que pour les stoïciens les différentes preuves de l’existence de Dieu découlent en grande partie de leur perspective universelle de la raison. Dans la deuxième section, nous verrons qu’il existe chez ces mêmes philosophes une prénotion de Dieu liée à leur conception téléologique et providentielle de la nature. Enfin, dans la troisième section, nous aborderons la théodicée, c’est-à-dire le problème du mal dans le monde. À ce titre, nous verrons que ce problème est en partie résolu par les stoïciens en faisant appel à la nature divine du monde qui, selon certains de leurs arguments, implique nécessairement le bien et son contraire.



2.2.1 – Les différentes preuves de l’existence de Dieu.



Pour prouver l’existence de Dieu, les stoïciens élaborent plusieurs arguments que nous ne pouvons pas strictement qualifier de preuves rigoureuses et philosophiques : il s’agit plutôt de syllogismes théologiques. Ces derniers comportent d’ailleurs quelquefois des analogies, dont certaines comparent l’art (technique) à la nature ou simplement à divers aspects de la nature. Comme nous le verrons, ces arguments en faveur de l’existence de Dieu se classent principalement selon trois types de raisonnement : premièrement, l’argument par l’honorabilité des dieux, deuxièmement l’argument du rationnel dans le monde et finalement, le raisonnement comportant des analogies.



a) L’argument par l’honorabilité des dieux.



D’après Sextus Empiricus, « Zénon argumentait (…) comme suit : il serait raisonnable d'honorer les dieux ; donc, les dieux existent »[v]. Mais, toujours selon Sextus Empiricus, certains adversaires des stoïciens ont contrefait cet argument de Zénon en y remplaçant le terme dieux par le terme sage. Dans ce cas, la conclusion devient : donc, les sages existent. Mais, le problème est que cela va à l’encontre de la réalité stoïcienne, car ceux-ci n’ont jamais pu trouver de stoïcien possédant la sagesse telle qu’ils la conçoivent. Ainsi, pour contrer ces adversaires, Diogène de Babylone a précisé qu’à cet égard, la seconde prémisse de Zénon « signifiait virtuellement ceci : il ne serait pas raisonnable d'honorer des êtres qui sont de nature à ne pas exister »[vi]. C’est-à-dire qui nécessairement n’existent pas : ce qui, l’en occurrence, n’est ni le cas des dieux et ni le cas des sages, car les dieux sont de nature à exister (leur existence est démontrer par l’argument) et les sages ne sont pas de nature à ne pas exister (nous ne pouvons pas démontré qu’ils n’existent pas)[vii]. Ainsi, même si les stoïciens ne trouvent pas de sage tel qu’ils le conçoivent, cela ne veut pas dire que les sages ne peuvent pas exister, alors l’argument est sauvegardé.



D’autre part, toujours selon la même source, certains disent que la première prémisse de l’argument de Zénon (il est raisonnable d'honorer les dieux) est ambiguë, car elle peut aussi dire : il est raisonnable de tenir en honneur les dieux. En effet, cela est un problème pour les stoïciens, car si nous remplaçons de nouveau le terme dieux par le terme sage, la prémisse devient alors : il est raisonnable d'honorer les sages. Mais, les stoïciens n’admettent pas non plus une telle chose, c’est pourquoi certains d’entre eux disent que la prémisse veut dire qu’« il est raisonnable d'honorer les dieux plutôt que de les tenir en honneur[viii] ». De cette manière, ils veulent démontrer clairement que l’argument ne tient pas dans le cas des sages.



b) L’argument du rationnel dans le monde.



Selon Sextus Empiricus, Zénon argumentait de la façon suivante : « Ce qui est rationnel est supérieur à ce qui ne l'est pas. Mais rien n'est supérieur au monde. Donc, le monde est rationnel. »[ix]. Mais, Alexinos (IVe-IIIe av. J.-C.) a parodié cet argument remplaçant le terme rationnel par celui de grammairien ou de poète. Ainsi, la conclusion devient : donc, le monde est grammairien. Mais, les stoïciens ont répondu à cela, en disant que Zénon prenait le terme supérieur dans un sens absolu, c’est-à-dire dans le sens où « ce qui est rationnel est supérieur à ce qui ne l’est pas, [et] ce qui est intelligent à ce qui ne l’est pas »[x]. Ce qui, selon eux, n’est pas le cas d’Alexinos dans sa parodie, car ce qui est grammairien ou poète n’est pas supérieur à ce qui ne l’est pas dans un sens absolu. À ce titre, toujours selon les stoïciens, nous avons seulement à penser au poète Archiloque (VIIe av. J.-C.) qui n’est pas supérieur à Socrate ou au grammairien Aristarque (220-143 av. J.-C.) qui n’est pas supérieur à Platon. Donc, dans cette optique, la parodie ne tient pas et par conséquent, si le monde est rationnel, alors Dieu existe, car le rationnel est Dieu.



c) Le raisonnement comportant des analogies.



Le raisonnement faisant appel aux analogies comporte une série de syllogismes successifs dont la véracité de certaines prémisses est parfois attestée à l’aide de différentes comparaisons. Ainsi, selon Cicéron, rien ne manque au monde et il est à « tous égards, parfait, complet dans toutes ses mesures et toutes ses parties »[xi]. Pour illustrer cela, il raisonne comme suit : ce qui ne manque de rien est parfait. Or, le monde ne manque de rien. Donc, le monde est parfait. Mais, pour prouver que la prémisse qui stipule que le monde ne manque de rien est vraie, Cicéron fait appel à une analogie entre la technique et la nature[xii]. Selon ses dires, cette dernière analogie provient de Zénon et elle s’énonce en partie comme suit : « de même que l'étui à bouclier a été fait pour le bouclier (…) toutes choses [de la nature] ont été engendrées pour d'autres choses (...) par exemple, le cheval pour le transport, le boeuf pour le labour, [etc.] »[xiii]. Cela veut donc dire que rien ne manque au monde, car toute chose dans le monde est faite pour une autre[xiv]. Et selon ce raisonnement, comme nous l’avons dit précédemment, ce qui ne manque de rien est parfait, donc le monde est parfait.



Ensuite, Cicéron résonne comme suit. Rien n’est plus parfait que la raison. Or, le monde est ce qu’il y a de plus parfait (comme démontré ci-dessus). Donc, le monde est rationnel. Mais, rien n’est meilleur que ce qui est entièrement accompli et ce qu’il y a de meilleur dans le monde se retrouve dans un être entièrement accompli. Néanmoins, « la nature de l'homme n'est pas parfaite, et cependant la vertu se réalise dans l'homme. Combien donc est-il plus facile qu'elle se réalise dans le monde! »[xv]. Donc, la vertu est dans le monde. Ici, nous sommes devant un argument a fortiori, qui stipule implicitement que l’on peut comparer l’accomplissement du vivant en général et de l’homme en particulier avec l’accomplissement du monde dans son ensemble. En effet, Cicéron se base une fois de plus sur les dires de Zénon, à savoir que : « par exemple le cheval vaut mieux que le poulain, le chien mieux que le chiot, l'homme mieux que l'enfant », etc. Et de cette manière, il cherche à démontrer que la prémisse qui stipule que rien n’est meilleur que ce qui est entièrement accompli est vraie. Finalement, le raisonnement se termine sur ces mots : si la vertu est dans le monde et que ce qui est vertueux est sage, alors le monde est sage. Et, si le monde est sage et que la sagesse est divine, il s’ensuit que le monde est Dieu. Mais, si le monde est Dieu, alors il est démontré que Dieu existe, car le monde existe.



2.2.2 – Prénotion de Dieu, providence divine et téléologie de la nature.



a) La prénotion du concept de Dieu.



Selon ce que rapporte Cicéron dans son traité De la nature des dieux, Cléanthe affirme que tous les hommes possèdent, comme gravé en leur esprit, une notion de Dieu ou des dieux ; c’est-à-dire que parmi les nations, tous admettent qu’il existe des dieux. À cela, il ajoute que cette notion de Dieu n’est pas innée, mais plutôt acquise ou née en eux pour les quatre raisons suivantes : la prescience du futur, la constatation de la nature bienveillante, la crainte des différentes forces de la nature et finalement, l’observation de la régularité des mouvements de la nature[xvi]. Mais, toujours selon Cléanthe, la raison la plus importante est celle de la constatation de la régularité des mouvements de la nature. En fait, cela n’est pas très surprenant de la part d’un stoïcien, car celui-ci peut aisément voir dans cette dernière constatation, une manifestation particulière de la raison universelle ordonnant le monde selon des règles parfaitement cohérentes et régulières. Mais, la troisième raison invoquée par Cléanthe suscite une interrogation, car elle comporte un aspect négatif qui ne semble pas concorder avec une conception positive de Dieu. En effet, la crainte des différentes forces de la nature, comme le tonnerre et la foudre, renvoit plutôt à un Dieu capable de colère ou de vengeance. Mais, comme nous le verrons plus loin, cela ne correspond pas à la conception stoïcienne de la divinité. C’est pourquoi les stoïciens répondent qu’il faut réinterpréter cette dernière raison dans un sens allégorique, car comme le soulignent Long et Sedley, « le tonnerre, exemple typique d'intervention divine terrifiante, est présenté par Cléanthe [dans son hymne à Zeus[xvii]] comme un symbole de la créativité du Feu »[xviii], plutôt qu’un courroux. De cette manière, cette crainte des différentes forces de la nature peut toujours contribuer à la prénotion du concept de Dieu sans être entachée d’aspects négatifs.



b) La providence divine.



Pour les stoïciens, le monde a été constitué et est gouverné par la providence des dieux. À ce titre, Cicéron affirme qu’ils défendent généralement cela pour trois raisons. Premièrement, ils démontrent l’existence de Dieu ; deuxièmement, ils affirment que la nature est engendrée, car elle est douée de perception et qu’elle gère toute chose d’une manière magnifique ; et finalement, ils disent que l’émerveillement des hommes devant la grandeur des choses célestes et terrestres ne peut pas indiquer autre chose que la providence des dieux [xix]. Nous constatons donc que la conception providentielle de Dieu chez les stoïciens procède d’un ensemble de facteurs intimement liés à ceux de la préconception. À ce titre, ils affirment que ne pas reconnaître la providence divine, à travers les bienfaits qu’apporte la nature, c’est mettre en péril la préconception des dieux et par conséquent, c’est induire l’homme en erreur. À ce sujet, Plutarque relate bien la pensée des stoïciens : « ils n'arrêtent pas de chercher querelle à Épicure, de le huer et de le siffler, pour avoir brouillé la préconception des dieux en abolissant la providence »[xx]. Ainsi, nous voyons que la conception providentielle de Dieu chez les stoïciens est une notion très importante. D’autre part, à la suite de ces déclarations précédentes, Cicéron nous met devant un constat : il affirme que si nous reconnaissons qu’il y a des dieux, nous devons nécessairement les reconnaître comme admirables, bienveillants et agissants dans le monde, sinon nous sommes dans l’obligation de nier leur existence. Pour démontrer cela, il argumente comme suit : « rien n'est plus admirable que de gouverner le monde »[xxi]. Or, les dieux sont ce qu’il y a de plus admirable. Donc, ceux-ci gouvernent le monde. Mais, si les dieux gouvernent le monde, alors ils le gouvernent avec dessein, car tout ce qui est gouverné l’est selon un plan. Donc, les stoïciens considèrent les dieux comme agissant dans le monde et à partir de cela, ils démontrent qu’ils le gouvernent, mais aussi qu’ils le gouvernent avec dessein. Pour les stoïciens, cela implique donc que les dieux ne peuvent pas être malveillants à notre égard et c’est pourquoi ils sont providentiels. De plus, ce raisonnement démontre implicitement une autre chose : en effet, si Dieu gouverne le monde avec dessein et qu’il est lui-même le monde, alors le monde possède une finalité. Cette dernière affirmation est capitale pour la doctrine stoïcienne, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous abordons ce thème immédiatement dans la section ci-dessous.



c) Dieu et la finalité du monde.



Comme nous l’avons vu dans la section portant sur les preuves de l’existence de Dieu, et selon ce que nous rapporte Cicéron, Zénon argumentait comme suit : « de même que l'étui à bouclier a été fait pour le bouclier (…) toutes choses [de la nature] ont été engendrées pour d'autres choses (...) par exemple, le cheval pour le transport, le boeuf pour le labour, [etc.] »[xxii]. Dans cette perspective, il est clair que toute chose dans le monde est faite pour une autre, donc le monde possède une finalité.



Toujours dans le même traité, Cicéron met en scène un stoïcien du nom de Balbus. Ce dernier argumente de manière à démontrer qu’il existe une finalité dans le monde sur laquelle il s’appuie ensuite pour prouver l’existence de Dieu[xxiii]. Il raisonne donc comme suit. Tous s’entendent pour dire que la sphère armillaire qu’a conçue Posidonius (135-51 av. J.-C.) est le fruit de la raison. Or, certains se demandent si le monde est le fruit de la raison (de l’esprit de Dieu) ou celui du hasard ? Mais pour Balbus, la réponse à cette question est claire : le monde est le fruit de la raison, car l’original de la sphère étoilée est beaucoup plus parfait que la copie qui est elle-même le fruit de la raison. Donc, ceux qui estiment « qu'Archimède [ou Posidonius] a eu plus de mérite à imiter les révolutions de la sphère céleste que la nature à les produire »[xxiv] sont évidemment dans l’erreur. Par conséquent, pour les stoïciens, le monde n’est pas le produit du hasard, c’est pourquoi il possède une finalité. Par la suite, Balbus argumente une fois de plus contre ceux qui conçoivent le monde comme le fruit du hasard. En effet, pour lui, cette dernière affirmation est équivalente à croire au fait « que d'innombrables échantillons des vingt et une lettres (…) jetés ensemble dans quelque urne, puis renversés sur le sol, puissent former un texte lisible des Annales d'Ennius »[xxv]. Et, pour mettre encore plus de poids à son analogie, Balbus ajoute qu’il ne sait « même pas si le hasard aurait la force d'en faire un seul vers ! »[xxvi]. Pour les stoïciens, il est donc complètement impossible que le monde soit le produit du hasard[xxvii]. En fait, comme nous l’avons vu précédemment, le monde est pour eux conçu dans une perspective téléologique, car il est le produit de la raison.



Enfin, Cicéron affirme dans son traité que, selon les stoïciens, le monde n’a pas été créé pour les végétaux, puisque ceux-ci sont privés de sensation ; il n’a pas non plus été créé pour les animaux, car ceux-ci sont dénués de raison. Donc, le monde a « bien évidemment [été créé] pour ces êtres vivants qui usent de la raison, à savoir les dieux et les hommes »[xxviii]. Dans cette optique il s’ensuit que le monde possède un but, c’est-à-dire d’être à l’usage de ceux qui possèdent la raison.



2.2.3 – Théodicée.



Selon les stoïciens, la présence du mal dans le monde s’explique par quatre principales causes. Premièrement, le principe d’opposition, deuxièmement les bienfaits déguisés, troisièmement le mal comme élément constitutif de la raison et finalement ce qui est appelé les concomitants de l’activité intentionnelle de la nature. De plus, il pourrait y avoir encore deux autres explications au problème du mal selon les stoïciens, c’est-à-dire les négligences des hommes et les esprits malins, mais ces explications sont problématiques. En effet, selon Long et Sedley, « il est probable qu’elles ne furent jamais incorporées de bon cœur dans la théologie stoïcienne, avec laquelle elles sont difficilement compatibles »[xxix]. C’est pourquoi elles ne feront pas partie de notre analyse.



a) Le principe d’opposition.



Les gens qui pensent que le monde n’a pas été créé pour les êtres de raison et qu’il n’y a pas de providence divine disent que : « s'il y avait une providence, il n'y aurait pas de maux. »[xxx]. À cela, Chrysippe réplique que s’il n’y avait pas de maux, comment pourrait-il y avoir du bien, « puisque les biens sont le contraire des maux, les uns et les autres doivent nécessairement s'opposer les uns aux autres et s'équilibrer en s'étayant chacun sur une sorte de poussée réciproque en sens inverse »[xxxi]. Cette assertion du principe d’opposition est qualifiée par Long et Sedley (p. 376) de thèse épistémologique, selon laquelle les contraires sont compréhensibles dans la seule mesure où ils sont en relation l’un avec l’autre[xxxii].



De plus, le principe opposition procède aussi d’une autre thèse, qualifiée cette fois-ci par Long et Sedley d’ontologique[xxxiii]. Cette thèse empruntée à Platon dans le Phédon (60) s’exprime comme suit : les contraires « sont attachés l'un à l'autre par les sommets mutuellement opposés de leurs têtes. Enlèves-en un, tu les supprimeras tous deux. ». Donc, chez les stoïciens, le principe d’opposition tire son fondement des deux thèses citées précédemment : premièrement, parce qu’il n’est pas possible qu’une chose existe sans son contraire et deuxièmement, parce qu’il n’est pas non plus possible de connaître une chose sans en connaître son contraire. Ainsi, pour la philosophie stoïcienne, il en est de même avec le mal et le bien dans le monde.



b) Les bienfaits déguisés.



Dans la perspective stoïcienne de la providence de Dieu, la question du mal dans le monde est une question pertinente. En effet, si Dieu a fait toutes choses bonnes pour les hommes, alors pourquoi y a-t-il tant de mal dans le monde ? À cela, selon ce que rapporte Lactance (240-320 apr. J.-C.), les stoïciens répondent en disant que parmi toutes ces choses qui paraissent mauvaises, la plupart d’entre elles sont utiles, mais leur utilité reste cachée. Cette utilité bien nécessaire à la compréhension du monde sera mise en lumière plus tard, « de même que beaucoup de choses inconnues des siècles précédents ont été trouvées par la nécessité et par l'usage »[xxxiv].



c) Le mal comme élément constitutif de la raison.



Selon ce que relate Plutarque (Ie-IIe apr. J.-C.), un adversaire des stoïciens, ceux-ci affirment que le mal est une condition nécessaire à l’existence du bien. En effet, selon ce que relate Plutarque, Chrysippe affirme que si « la nature universelle s'étend partout, il doit falloir que tout ce qui se produit d'une façon ou d'une autre dans le tout, comme dans n'importe laquelle de ses parties, se produise en accord avec elle et avec sa raison »[xxxv]. Donc, le mal comme le bien est en accord avec la raison[xxxvi].



d) Les concomitants nécessaires de l’activité intentionnelle de la nature.



Dans son anthologie savante, Aulu-Gelle rapporte une question que Chrysippe considère pertinente de se poser, dans son ouvrage De la providence : est-ce que « les maladies humaines surviennent conformément à la nature ? »[xxxvii]. En d’autres mots, est-ce que la providence, qui a créé le monde, a aussi produit elle-même les maladies et la souffrance auxquelles les hommes sont inévitablement soumis ? À cette question, Chrysippe répond en disant que malgré l’immense bonté de Dieu qui a créé toute chose bonne et utile, il n’en demeure pas moins que ces choses bonnes et utiles ont amené et entraîné avec elles « certaines consécutions nécessaires »[xxxviii], appelées concomitants nécessaires. Par exemple, le paon existe pour la beauté et sa femelle est un concomitant nécessaire à sa reproduction[xxxix].



2.3 – Conclusion sur la théologie stoïcienne.



Enfin, nous avons vu précédemment l’ensemble des arguments en ce qui concerne l’existence de Dieu et la conception de celui-ci dans le stoïcisme. Cette dernière conception est, avant tout, celle d’une raison universelle immanente, c’est pourquoi le monde n’est pas le fruit du hasard ; il provient plutôt d’un principe actif et providentiel et il manifeste une finalité : le monde est fait pour les êtres de raison, de la même manière que chaque chose dans celui-ci est faite pour une autre. Il a aussi été question du fait que le Dieu des stoïciens est le monde lui-même, c’est-à-dire qu’il se confond avec la nature. À ce titre, il est intéressant de rappeler que dans la façon de nommer Dieu, l’indifférente utilisation de la part des stoïciens du terme singulier « Dieu » ou celui du pluriel « les dieux » manifeste à quel point celui-ci peut prendre différentes formes dans le stoïcisme[xl].



De plus, concernant les différents arguments présentés dans les deux premières parties de la théologie, nous avons pu constater que ces arguments n’étaient pas entièrement distincts les uns des autres. En effet, comme le souligne Long et Sedley, « l’Argument des causes finales, si souvent répété, fait d’une pierre deux coups ». Cela veut dire que pour les stoïciens, le fait que Dieu soit à l’origine de toute chose a pour conséquence de le concevoir comme étant raison créatrice universelle et providence universelle.



Finalement, en ce qui a trait à la théodicée, ce qui est le plus intéressant de rappeler, c’est qu’à l’aide du principe d’opposition, les stoïciens conjuguent du même coup deux thèses différentes : la thèse ontologique et la thèse épistémique. Ces dernières étant respectivement le fait qu’il ne soit pas possible qu’une chose existe sans son contraire et le fait qu’il ne soit pas possible de connaître une chose sans en connaître son contraire. Pour eux, il en est de même pour le bien et le mal et c’est ce qui explique en grande partie pourquoi il y a des maux dans le monde. De plus, les stoïciens expliquent aussi le mal dans le monde à l’aide d’autres d’explications : les bienfaits déguisés, le mal comme élément constitutif de la raison et les concomitants nécessaires de l’activité intentionnelle de la nature. De ces derniers aspects, le plus intéressant à souligner est sûrement celui des concomitants nécessaires, car celui-ci stipule que certaines choses bonnes et utiles ont entraîné avec elles des choses plus ou moins indésirables.



3 – La critique épicurienne du stoïcisme.



3.1 – La cosmologie.



Pour les épicuriens, contrairement aux stoïciens, le monde n’est pas unique et il n’est pas le fruit d’un dessein providentiel. Pour eux, le monde est le produit du hasard ; c’est-à-dire de la nature elle-même, comprise comme stock infini d’atomes qui ont dévié aléatoirement de leurs trajectoires[xli] de façon à s’entrechoquer et à donner naissance au monde tel que nous l’apercevons. Dans ce cas, nous sommes alors devant une conception mécaniste de la formation du monde, celle-ci excluant toute forme d’intervention de la part d’un artisan divin, mais ouvrant la porte à l’existence d’une pluralité de mondes. À ce sujet, dans sa Lettre à Hérodote, Épicure souligne qu’étant donné que les atomes sont en nombre infini et qu’ils « n’ont pas été épuisés par un [seul] monde (…), il n’y a donc rien qui empêche qu’il existe un nombre infini de mondes »[xlii]. Ainsi, selon Lucrèce, successeur immédiat d’Épicure, c’est dans la mesure où nous comprenons cela, que la nature nous apparaît alors « comme libre agent de toutes choses, sans la participation des dieux ». Ainsi, par cette position, les épicuriens réfutent du même coup deux fondements de la doctrine stoïcienne : premièrement, le fait que le monde soit le fruit d’un artisan divin et deuxièmement, le fait que la nature soit assujettie au destin. En effet, si le monde est le fruit du hasard, comment pourrait-il y avoir un destin pour l’homme et la nature ? À ce titre, les épicuriens se demandent comment quelqu’un pourrait être à l’origine du monde et du même coup, guider la destinée de la nature tout entière. En effet, selon Lucrèce, « qui donc est capable de gouverner la totalité de ce qui est sans mesure, [et] de tenir dans ses mains (…) les rênes puissantes des profondeurs [du monde] ? »[xliii]. Évidemment, comme nous l’avons déjà dit, pour les épicuriens cela est impossible, car le monde est entièrement le fruit du hasard et par conséquent, les dieux ne sont pour rien en ce qui concerne son existence et son fonctionnement. Cela va évidemment à l’encontre de la position stoïcienne où le monde est le fruit de la raison universelle, celle-ci étant cause première qui régit toute chose selon un dessein providentiel.



3.2 – La nature des dieux.



En ce qui concerne la nature des dieux, les épicuriens et les stoïciens s’entendent au moins sur deux choses : ceux-ci sont impérissables et bienheureux. Par contre, comme nous l’avons vu précédemment, ils divergent fondamentalement quant au rapport que les dieux entretiennent avec le monde. En effet, nous avons vu que pour les stoïciens, les dieux sont agissant dans le monde, car ils sont à son origine et providentiels à son égard. Cette conception des stoïciens est diamétralement opposée à celle des épicuriens, car ceux-ci pensent plutôt que les dieux n’interviennent en aucun temps dans le monde. Cette indifférence totale des dieux à notre égard est principalement due au fait que, pour les épicuriens, il est impossible que ceux-ci interviennent dans le monde sans être affectés dans leur béatitude. En effet, comme le souligne Lucrèce, « quel profit des êtres immortels et bienheureux pourraient-ils gagner à notre gratitude, qui put les induire à entreprendre quoi que se soit à notre intention ? »[xliv]. Cette position de la part des épicuriens provient exactement de leur conception du bonheur. En effet pour ceux-ci, le bonheur, c’est être dans un état caractérisé par une absence de trouble[xlv]. Par conséquent, selon les épicuriens, les dieux ne peuvent pas interagir dans le monde et cela, simplement à cause de leur nature bienheureuse : ils ne peuvent alors être ni providentiels ni malveillants à l’égard du monde.



Ainsi, selon les épicuriens, les dieux sont indifférents à l’égard de notre monde. Mais, si tel est vraiment le cas, comment pouvons-nous alors savoir qu’ils existent ? À ce titre, selon Cicéron, les épicuriens effectuaient le raisonnement suivant : « ce sur quoi la nature de tout le monde est d’accord doit nécessairement être vrai. On doit donc reconnaître qu’il existe des dieux. Puisque ceci est admis quasiment par tout le monde »[xlvi]. Donc, les épicuriens comme les stoïciens reconnaissent tous deux qu’il existe des dieux. De plus, il est intéressant de souligner que tous deux reconnaissent cela également à partir de préconceptions. Pour les épicuriens, cette préconception des dieux provient de la nature comme chez les stoïciens. En effet, cette dernière aurait inscrit en leur esprit, le fait qu’ils conçoivent les dieux comme éternels et bienheureux. Par contre, contrairement aux stoïciens, c’est seulement à ce titre qu’ils sont nécessaires ; c’est-à-dire que les dieux servent uniquement de modèle à suivre. Ils sont donc pour les hommes un exemple de bonheur à atteindre. De plus, c’est aussi parce que les dieux sont des exemples de béatitudes qu’ils méritent un culte pieux et qu’ils doivent être vénérés. Ainsi, pour les épicuriens, les dieux ne doivent en aucun temps être vénérés parce qu’ils seraient à l’origine du monde dans leur bienveillance, comme dans le stoïcisme, ou simplement par peur de subir leur méchanceté. D’ailleurs, les propos de Lucrèce à ce sujet sont clairs : « malheureuse race humaine qui attribue une telle conduite [de bienveillance], et aussi un amer courroux aux dieux »[xlvii], car le bonheur et la paix lui échappent. Ainsi, l’entreprise théologique des épicuriens est en grande partie orientée en ce sens, à savoir de libérer l’homme des fausses opinions qu’il entretient à l’égard des dieux, car selon eux, ce sont en grande partie ces fausses opinions qui troublent la quiétude et empêchent le bonheur. Ainsi, selon Épicure, « l’impie n’est pas celui qui rejette les dieux de la foule, mais celui qui attache aux dieux les croyances de la foule à leur sujet »[xlviii]. Évidemment, ce dernier aspect ne va pas à l’encontre de la perspective stoïcienne, par contre, comme nous l’avons bien démontré, les épicuriens s’opposent farouchement à ce que les dieux soient vénérés à cause de leur sollicitude et bienveillance envers le monde, car pour eux, les dieux ne sont pas providentiels.



De plus, pour les épicuriens, le monde ne peut pas être providentiel, car il n’est pas parfait. À ce titre, Lucrèce affirme que le « monde n’est certainement pas un don divin fait à nous : il est si profondément vicié »[xlix]. Il nomme par la suite une série de maux auxquels l’homme fait face en permanence comme la chaleur torride, les gelées, les maladies, la mort prématurée, etc. De cette manière, il veut démontrer que contrairement à la conception stoïcienne, le monde n’a pas été fait pour l’homme par la providence divine ; car selon lui, les animaux sont encore mieux servis par la nature que nous et cela, malgré le fait qu’ils ne possèdent pas la raison. De plus, nous voyons clairement que cette position s’oppose aussi à la thèse stoïcienne des bienfaits déguisés.



3.3 – Le monde et la finalité.



Pour les épicuriens, comme nous l’avons vu précédemment, le monde est le produit du hasard (il est contingent), il ne peut donc pas contenir de finalité. Pour illustrer cela, Lucrèce affirme que notre corps n’a pas été fait pour être utilisé de quelque manière que ce soit. Pour lui, « nos membres (…) existaient avant leur usage. Ils ne peuvent donc pas avoir poussé en vue de leur usage. »[l]. Ainsi, contrairement aux stoïciens, les épicuriens affirment que nous ne pouvons pas considérer la nature comme étant une preuve de la finalité dans le monde, car elle n’est pas comme les objets de la technique dont nous concluons qu’ils possèdent une finalité : en effet, « ceux-ci ont été inventés pour remplir des fonctions préexistantes dont la nature avait déjà fourni le modèle »[li]. De plus, Lucrèce se demande comment Dieu aurait bien pu créer le monde, puisqu’il n’avait aucun modèle préalable pour pouvoir l’engendrer. Ainsi, pour ce dernier, il n’y a donc aucun indice dans le monde qui permet de conclure que les mouvements cycliques des astres ou toute autre périodicité peuvent être le fruit de la raison universelle. En effet, pour Lucrèce, « tant de particules premières [les atomes], depuis l’infini du temps passé, [qui] se sont trouvées propulsées de multiples manières par les chocs »[lii] peuvent très bien être à la source de l’ordre qui règne dans le monde. À ce titre, selon Épicure, les différents phénomènes célestes et leur mise en ordre ne peuvent pas procéder de l’action de Dieu, car comme nous l’avons signalé précédemment, « les occupations, les soucis, et les colères sont incompatibles avec la béatitude »[liii] divine. Donc, pour les épicuriens, la nature ne possède pas de finalité malgré son ordre apparent. Néanmoins, le monde est adapté au bonheur et cela même sans l’intervention des dieux, car dans cette perception, l’homme est un agent libre de son agir. Cela s’oppose évidemment à la thèse stoïcienne du destin, d’ailleurs pour les épicuriens, cette liberté existe grâce à la contingence du monde[liv]. C’est donc en ce sens que la pensée épicurienne est un système philosophique (au même titre que le stoïcisme), car comme nous pouvons le constater, il est clair que leur conception physique est intimement liée à leur conception éthique.



4 – La critique des Académiciens à l’égard de la théologie stoïcienne.



À l’époque hellénistique, l’Académie de Platon n’avait plus la notoriété qu’elle avait eue du temps de son fondateur. Cependant, elle retrouva un fort dynamisme sous la direction d’Arcésilas (273-242 av. J.-C.) lorsque celui-ci fit un retour aux sources du platonisme avec la dialectique critique des premières oeuvres de Platon[lv] tels le Phédon et le Gorgias. En fait, ces oeuvres sont des dialogues aporétiques, c’est-à-dire qu’ils sont contradictoires et se heurtent à un paradoxe dont il est aisément possible d’en tirer une perspective sceptique. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Arcésilas et la Nouvelle Académie (III av. J.-C.). Néanmoins, cette dernière et ses philosophes ne se réclament pas de Pyrrhon et de son scepticisme, mais plutôt, comme nous l’avons déjà signalé, de Platon et de ses premiers dialogues socratiques.



Pour notre part, en ce qui concerne le scepticisme des néo-académiciens, nous allons nous en tenir aux arguments antithéologiques du plus illustre de ceux-ci, c’est-à-dire Carnéade, quatrième chef de la Nouvelle Académie qui a appliqué le scepticisme uniquement aux questions philosophiques dont le but principal était la critique des pensées hellénistiques. À ce titre, la Nouvelle Académie a toujours bien su jouer son rôle, car comme le soulignent Long et Sedley, « bien que son rôle ait été essentiellement critique, l’Académie hellénistique a fourni beaucoup de contribution substantielle aux débats philosophiques de l’époque »[lvi].



4.1 – Arguments antithéologiques de Carnéade.



Comme nous l’avons vu dans la section sur Les raisonnements comportant des analogies, selon Cicéron, Chrysippe a fait des analogies entre la technique et la nature pour démonter que celle-ci possède une finalité. À ce titre, Porphyre (IIIe apr. J.-C.) nous rappelle la pensée de ce dernier : « les dieux nous ont créés en vue de nous-mêmes et en vue les uns des autres (…), les chevaux font la guerre avec nous, les chiens chassent avec nous (…), [etc.]. »[lvii]. Ainsi, pour contrer cette position, toujours selon Porphyre, Carnéade a argumenté comme suit. Premièrement, il utilise la prémisse stoïcienne suivante : toute chose lorsqu’elle atteint sa fin s’en trouve avantagée. Or, si toute chose a été créée par les dieux pour une autre chose, alors le porc a été créé pour que nous le dégustions. Donc, le porc lorsqu’il est « égorgé et dévoré atteint sa fin naturelle (…) et il s'en trouve avantagé ». Par cela, nous voyons donc que Carnéade tourne en dérision la position téléologique des stoïciens et par conséquent toute leur perspective cosmologique.



Ici, Sextus Empiricus reprend un argument de Carnéade dirigé contre les stoïciens. Pour ce faire, il affirme que si les dieux sont des vivants, ils possèdent alors la sensation. De plus, il ajoute que si les dieux sont supérieurs aux hommes, ils doivent alors posséder plus de sensation que les hommes, car ils sont en mesure de saisir beaucoup plus de choses que nous. Mais, si tel est le cas, alors ces dieux doivent être soumis au goût, c’est-à-dire à ce qui est doux comme à ce qui est amer. Mais, s'ils sont affectés « par le doux et l'amer, certaines choses [leur] seront agréables et d'autres désagréables »[lviii]. Ces dieux pourront donc être affectés par les tourments et être sujets à changer vers le pire. Donc, les dieux seraient périssables et par conséquent, ils n’existeraient pas, car les dieux sont impérissables par définition. Ici, Sextus Empiricus et Carnéade s’en prennent à la dimension impérissable des dieux, mais cela est quelque peu surprenant, car les stoïciens ont peu insisté en général sur cette propriété divine[lix]. Néanmoins, comme le soulignent Long et Sedley, Antipater, l’adversaire de Carnéade, fut l’un des stoïciens qui insista le plus sur l’aspect impérissable des dieux. Selon eux, cela peut possiblement être « le signe d’une avancée théologique qui serait le résultat de leur confrontation »[lx].



Enfin, une fois de plus, Sextus Empiricus relate un argument antithéologique de Carnéade orienté contre les stoïciens. Il s’énonce comme suit : « Si Zeus est un dieu [...], Poséidon lui aussi, étant son frère, sera un dieu. Mais si Poséidon est un dieu, [le fleuve] Achéloüs aussi sera un dieu ; si l'Achéloüs l'est, le Nil le sera aussi ; mais si le Nil l'est, tout fleuve le sera… ». Et ainsi, toutes les rivières, tous les ruisseaux et tous les torrents seront aussi des dieux. Mais, ces derniers ne sont pas des dieux, donc Zeus n’est pas un dieu. Carnéade utilisait cette même forme argumentative avec d’autres éléments provenant de la mythologie grecque et cela, toujours dans le but de contrer la perspective théologique des stoïciens. Mais, selon l’académicien Cotta mis en scène par Cicéron, Carnéade ne le faisait pas « pour supprimer les dieux (…) mais pour convaincre les stoïciens de n'avoir donné aucune explication au sujet des dieux »[lxi]. Ce qui est juste, selon Long et Sedley, « puisque l’athéisme est une position non sceptique »[lxii].



5 – Conclusion.



Pour les stoïciens, « le monde tout entier et le ciel sont la substance de dieu »[lxiii]. Par conséquent, la physique est une théologie et cela, contrairement à Aristote chez qui l’étude de la nature est distincte de la théologie. Cela a une conséquence importante chez les stoïciens : il n’y a pas de métaphysique au sens aristotélicien du terme, car le monde est dieu et il se suffit à lui-même. Dieu est une raison universelle immanente, il est toujours en lien avec le monde sensible. Ainsi, toute chose dans le monde est nécessairement organisée par ce logos divin dont nous sommes une parcelle. Le monde est donc le produit de la raison et il a été créé par Dieu dans sa grande providence et par conséquent, il possède une finalité. De cette manière, la raison universelle oriente l’homme dans son comportement et c’est pourquoi sa vie est caractérisée par le destin. C’est pourquoi, chez les stoïciens, la logique, la physique et l’éthique sont indissociables, car ils étudient la même chose sous des aspects différents ; par cela, la doctrine stoïcienne est donc un système philosophique.



En ce qui concerne la doctrine épicurienne, nous avons vu qu’elle était aussi un système philosophique. Par contre, le système philosophique des épicuriens s’oppose fondamentalement à celui des stoïciens, car sa physique admet une conception purement mécaniste et contingente de la formation du monde. Aussi, ce dernier système rejette la perspective stoïcienne de la finalité du monde et, du même coup, il rejette également la conception providentielle de Dieu, car pour les épicuriens, les dieux n’agissent pas dans le monde, du fait que cela perturberait leur béatitude. Pour ce qui est de la critique sceptique de Carnéade, comme nous l’avons vu, celui-ci use de divers arguments, voire même de la dérision, pour contrer la perspective téléologique du monde chez les stoïciens. De plus, ce dernier déploie aussi sa pensée critique envers la conception rationnelle et providentielle de Dieu dans le stoïcisme, car pour un sceptique, il n’est pas possible de dire quoi que ce soit au sujet des attributs de Dieu.



Enfin, nous pouvons donc conclure en affirmant, hors de tout doute, que la physique stoïcienne et celle des épicuriens sont irréconciliables et que par conséquent, cette divergence les amène à considérer l’agir humain d’une manière tout à fait différente : pour les premiers, c’est le destin et pour les seconds, c’est le libre arbitre. À ce titre, il aurait été très intéressant de comparer plus en détail les perspectives éthiques de ces deux écoles de pensée. Mais, cela constitue bel et bien l’objet d’un autre travail.



6 – Notes





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[i] Période qui s’étend de la conquête d’Alexandre le Grand (-323) à la conquête romaine (-31).

[ii] Diogène Laëce, VII, 132 ; [Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p. 237-238].

[iii] Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p. 240.

[iv] Il est intéressant de souligner que la doctrine de l’expurosis a aussi influencé la perspective eschatologique des premiers chrétiens. À ce titre, saint Pierre dit : « Il viendra, le jour du Seigneur, comme un voleur ; en ce jour, les cieux se dissiperont avec fracas (…), la terre et les œuvres qu’elle renferme sera consumé par le feu. » [2 P, 3, 10].

[v] Sextus Empiricus, Contre les professeurs, IX, 133-136 ; [LS II, p. 360].

[vi] Idem.

[vii] Note 1 (des traducteurs :Brunschwig, J. et Pellegrin, P.), [LS II, p. 361].

[viii] Sextus Empiricus, Contre les professeurs IX, 133-136 ; [LS II, p. 360].

[ix] Idem, 104,108-110 ; [LS II, p. 362].

Il est à noter, que cette preuve s’apparente, à la preuve ontologique de Saint-Anselme au XIe siècle et reprise par Descartes au XVIIe siècle.

[x] Sextus Empiricus, Contre les professeurs IX, 104, 108-110 ; LS II p. 362.

[xi] Cicéron, De la nature des dieux II, 37-38 ; [LS II, p. 363].

[xii] Cette comparaison est chère à Aristote, mais il y fait référence dans une perspective différente. En effet, pour lui, la technique imite la nature tandis que chez les stoïciens, c’est la nature qui est expliquée à l’aide de la technique.

[xiii] Idem ; [LS II, p. 364].

De cette manière, le point de comparaison qu’est la technique, devient une source de compréhension de la nature ; c’est-à-dire, qu’à partir de la finalité de la technique, les stoïciens en concluent que la nature possède elle aussi une finalité. Nous reviendrons sur cette notion dans la prochaine section.

[xiv] Le monde possède donc une finalité en tout, nous reviendrons se sujet à la section consacrée à la finalité.

[xv] Idem.

[xvi] Cicéron, De la nature des dieux II, 12-15 ; [LS II, p. 359].

Les raisons troisième et quatrième de Cléanthe, pour justifier la prénotion de Dieu, paraît provenir du traité De la philosophie d'Aristote (fragment 12 Ross) [idem, note 1].

[xvii] Cléanthe, Hymne à Zeus (Stobée I, 25, 3-27, 4 = SVF I, 537) ; [LS II, p.364-365].

[xviii] Cicéron, De la nature des dieux II, 12-15 ; [LS II, p. 359].

[xix] Idem, 75-76 ; [LS II, p.366].

[xx] Plutarque, Des notions communes, 1075E (SVF II, 1126) ; [LS II, p. 367].

[xxi] Cicéron, De la nature des dieux II, 75-76 ; [LS II, p. 366].

[xxii] Cf. note 11.

Le point de comparaison qu’est la technique, devient une source de compréhension de la nature ; c’est-à-dire, qu’à partir de la finalité de la technique, les stoïciens en concluent que la nature possède elle aussi une finalité.

[xxiii] Les stoïciens ne sont pas les premiers à tenter de prouver l’existence de Dieu à l’aide de la finalité dans le monde ; en effet, Xénophon l’avait fait dans Les mémorables et Platon dans le Timé.

[xxiv] Cicéron, De la nature des dieux II, 88 ; [LS II, p. 368].

[xxv] Idem, 93 ; [idem].

[xxvi] Idem.

[xxvii] Il est à noter qu’aujourd’hui encore, plusieurs penseurs tels Eccles (1903-1997), Prigogine (1917-2003), Stengers (1949-), Jonas (1903-1993) et Penrose (1931-) et soutiennent toujours cette position de la finalité dans le monde.

Eccles John C., Évolution du cerveau et création de la conscience, Flammarion, Paris 1994.

I. Prigogine et I. Stengers, La nouvelle alliance, Gallimard, Paris, 1979.

Jonas, Hans, Le principe responsabilité, Flammarion, Paris, 1990.

Penrose Roger, Les deux infinis et l’Esprit Humain, Flammarion, Paris, 1999.

[xxviii] Cicéron, De la nature des dieux II, 133 ; [LS II, p. 368-369].

[xxix] Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p.376.

[xxx] Aulu-Gelle, Nuits Attiques VII, 1, 1-13 (SVF II, 1169-1170) ; [LS II, p. 370].

[xxxi] Idem ; [Idem, p.370-371].

[xxxii] Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p.376.

[xxxiii] Idem.

[xxxiv] Lactance, De la colère de Dieu XIII, 9-10 (SVF II, 1172) ; [LS II, p.372].

[xxxv] Plutarque, Des contradictions des Stoïciens 1050C-D (extrait partiel de SVF II, 937) ; [LS II, p. 373].

[xxxvi] Il est à noter que cette position de la part des stoïciens est problématique, car ceux-ci disent par ailleurs, que c’est seulement le bien qui est en accord avec la raison et que Dieu n’est pas responsable de ce qui est indigne. Cléanthe n’affirme-t-il pas dans son Hymne à Zeus au troisième paragraphe : « Aucun acte ne s'accomplit sur la terre sans toi, ô dieu, ni dans la voûte divine de l'éther, ni sur la mer, sauf ce que font les méchants dans leur folie. » [LS II, p. 365] ?

[xxxvii] Aulu-Gelle, Nuits Attiques VII, 1, 1-13 (SVF II, 1169-1170) ; [LS II, p.370].

[xxxviii] Idem.

[xxxix] Plutarque, Des contradictions des stoïciens 1044D (SVF II, 1163) ; [LS II, p. 369].

[xl] En effet, nous aurions pu choisir des fragments où il y a un lien clairement établi entre le Dieu des stoïciens et les divinités traditionnelles du panthéon grec : ce qui aurait davantage révélé la multiplicité des formes que Dieu peut prendre dans le stoïcisme.

[xli] Ce phénomène est appelé clinamen par les épicuriens et c’est étonnamment grâce à lui, selon les épicuriens, que l’homme est libre devant son agir.

[xlii] Épicure, Lettre à Hérodote 45 ; [Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : I Pyrrhon, L’épicurisme, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p. 123].

[xliii] Lucrèce II, 1052-1104 ; [LS I, p.125].

[xliv] Lucrèce V, 156-234 ; [LS I, p.126].

[xlv] Ataraxia, absence de trouble [note 4, LS I, p. 189].

Pour les épicuriens, le bonheur n’est donc pas une recherche sans borne du plaisir, c’est plutôt une absence de trouble. De cette manière, les opposants d’Épicure lui ont reproché d’avoir modifié la définition du bonheur et ainsi, d’avoir été à la source d’un malentendu.

[xlvi] Cicéron, De la nature des dieux I, 43-49 ; [LS I, p. 283].

[xlvii] Lucrèce IV 1161-1225 ; [LS I, p. 279].

[xlviii] Épicure, Lettre à Ménécée 123-124 ; [LS I, p.281].

[xlix] Lucrèce V, 156-234 ; [LS I, p.128].

[l] Lucrèce IV, 823-857 ; [LS I, p.126].

[li] Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : I Pyrrhon, L’épicurisme, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p. 136.

[lii] Lucrèce V, 156-234 ; [LS I, p.128].

[liii] Épicure, Lettre à Hérodote, 76-77 ; [LS I, p.280].

[liv] Ici, une question se pose : comment le hasard peut-il bien donner naissance à la liberté ? Cette liaison ne semble pas avoir été démontrée. Par conséquent, cette thèse de l’épicurisme nous apparaît peu probable, voire incohérente.

[lv] Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : I Pyrrhon, L’épicurisme, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p. 28.

[lvi] Idem.

[lvii] Porphyre, De l'abstinence III, 20, 1, 3 (incluant SVF II, 1152)[lvii] [LS II, Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p.369].

[lviii] Sextus Empiricus, Contre les professeurs IX, 139-1411 [Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : III Les Académiciens, La renaissance du pyrrhonisme, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p.50].

[lix] En fait, pour les stoïciens, lors de l’expurosis, (la fin du monde) seul Zeus survit à cet embrasement. Les autres divinités, tels le soleil et la lune, sont alors détruites.

[lx] Idem, note 1 p. 51.

[lxi] Cicéron, De la nature des dieux III, 43-44 [LS III, p. 51].

[lxii] [Idem, note 3]

[lxiii] Diogène Laërce VII, 148-149 (SVF II, 1022, 1132) ; [Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, p. 236]



7 – Bibliographie.



7.1 – Ouvrages de référence.



Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : I Pyrrhon, L’épicurisme, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, 312 pages.

Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : II Les Stoïciens, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, 570 pages.

Long A. A., Sedley D.N., Les philosophes hellénistiques : III Les Académiciens, La renaissance du pyrrhonisme, Éd. GF Flammarion, Paris, 2001, 254 pages.



7.2 – Ressources Internet.



Encyclopædia Universalis, http://www.universalis.fr, France S.A, 2005.

Encyclopédie Wikipédia, http://fr.wikipedia.org, Éd. MédiaWiki, É-U, GNU Free Documentation License, 2005.

L’encyclopédie française, http://encyclopaedic.net/franc/, Éd. Encyclopaedicnet, France, 2005